Les anciens de Baratier

Les anciens de Baratier

Le camp des Castors

  Établi aux Touisses, à environ une demi-heure de marche de la colo, le camp des Castors accueillait une trentaine de colons de 13-14 ans, dirigés d'une main de fer et de velours par le sieur Paul Dijoud, secondé par quelques fidèles admirateurs.

  (Après lecture de l'Écho du Val St-Paul de 1960, il semblerait qu'on était 70 au camp!).

 

  J'ai passé là deux étés, en 59 et 60, et bien que ces passages m'aient marqués, je n'en ai pas conservé d'extraordinaires souvenirs contrairement à la colo. Question d'âge peut-être?

  L'un de ces souvenirs n'a en fait rien à voir avec les Castors, si ce n'est que je m'y trouvais à ce moment-là: j'avais reçu une lettre angoissée de ma première relation amoureuse au collège de Valréas, qui s'inquiétait en se disant que, puisqu'elle me trouvait pas mal (les mots étaient plus fort que ça, mais je les garde pour moi), d'autres filles pourraient bien avoir la même idée qu'elle et me faire succomber. Je ne voyais pas ce qu'elle me trouvait de mieux que les autres, mais c'était agréable de le savoir. De mon côté je la trouvais très bien. Les sentiments amoureux sont des sentiments qui ignorent la réalité. C'était en 1960.

 

  Je me suis demandé pourquoi si peu de souvenirs, car enfin, il s'agissait d'un camp où on pratiquait des activités assez intéressantes, surtout sportives, associées à une discipline semi-militaire, mais avec les temps libres nécessaires pour sentir qu'on était relativement libres de nos actions. Je dois rajouter que les années de colo sont également empreintes de bons trous dans mes souvenirs.

 

  Il y avait également des balades comparables, mais ce n'était pas aussi bien qu'à la colo. La différence d'âge peut-être.

 

 

 

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                 La Petite Section et les Écureuils en visite au camp

                 des Castors. Paul Dijoud leur fait un petit discours.

 

 

Tout commençait au début du camp pour les nouveaux venus.

 

  La première épreuve, une sorte d'initiation, était de vous envoyer passer une heure ou deux dans la forêt à la nuit noire pour tester votre capacité à maîtriser la peur du noir. Deux moniteurs vous accompagnaient et s'arrangeaient pour faire assez de détours afin de vous désorienter. Comme on l'était déjà de toutes façons, cette épreuve n'en était en fait pas une, puisqu'on n'avait pas le choix de rester là où on nous parachutait. On ne pouvait pas ne pas la réussir!

 

  J'étais donc resté là, allongé dans l'herbe, entouré d'arbres que je distinguais à peine, avec le bruit de tous ces  insectes nocturnes, me demandant si quelques-unes de ces bestioles n'allait pas me bouffer un morceau de peau! Ou si une plus grosse bestiole n'allait pas surgir après m'avoir guetté quelques minutes et se dire que je ferai un bon repas!

  Bref, toutes les peurs qu'on peut avoir grâce à notre débordante imagination d'homo sapiens.

   J'ai fini par m'assoupir, ce qui n'étonnera pas certains, et être réveillé par les deux moniteurs qui me ramenèrent au camp où ils constatèrent, le lendemain je suppose, le succès de l'épreuve pour le nouveau.

 

Castors_1960_ Jean Raynal et Victor.jpgCastor 1960 (2).jpg

  Me voici devant un marabout et avec Jean Raynal pour un petit air d'harmonica!

 

  Il y avait d'autres épreuves, mais rien de précis ne suinte de ma mémoire, à part les épreuves sportives. Une surtout, qui était de courir et sauter par dessus une barre et rouler sur un matelas placé derrière en rentrant bien la tête. C'était à qui sautait le plus loin et le plus souplement.

   Gare aux vertèbres du cou pour les débutants ou les maladroits!

 

  Après toute cette panoplie de tests, d'épreuves, de notes bonnes ou mauvaises, il y avait le top: être foulard noir.

  Décidé je ne sais trop sur quels autres critères (je pense à des aptitudes au commandement, à une attitude de leader), le Castor ordinaire pouvait devenir un Castor extraordinaire par cette ultime récompense. Il est vrai que ceux qui devenaient

foulard noir en tiraient une légitime fierté en plus d'avoir l'admiration des autres. C'était les Pederzoli, les Tort, les Comte, les Barbati, les Richard, etc. qui tenaient le haut de l'affiche.

  C'était les meilleurs des meilleurs!! (Allusion au film "Les hommes en noirs", scène où ceux qui sont convoqués et réunis dans une salle, la plupart des militaires, à la question:

— Vous savez pourquoi vous êtes ici? répondent: 

— Parce qu'on est les meilleurs!)

 

 Moralité: quand on est moins bon, on se souvient moins de vous...

 

  Effectivement, j'ai été chef d'équipe chez les Castors mais je n'ai jamais été foulard noir!

 

 

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                       Un privilège des foulards noirs, être en avant pour les

               défilés. Et aussi la large ceinture assortie du poignard.

               Ils ont quand même une fière allure! Vous trouvez pas?

                 A gauche, on reconnait la moitié de Jean Pederzoli.

 

 

  J'avais bien l'esprit d'équipe mais pas réellement celui de leader. Plutôt décontracté et réticent à donner des ordres que je n'aurai pas voulu recevoir moi-même. Et puis cet esprit de compétition omniprésent n'allait pas du tout avec ma paresse naturelle et mon laisser-aller.

  La transition aux Vétérans en 1961 m'a été bénéfique et mon arrivée à la colo en 62 m'a fait découvrir qu'il y avait là matière à amitié autant sinon plus qu'au camp des Castors.

  Nul besoin d'une épreuve pour admirer quelqu'un, pas besoin de foulard noir pour être parmi les meilleurs. Et pas besoin de montrer toujours le meilleur de soi-même. Chacun appréciait l'autre pour ses qualités, et ses défauts aussi qui, bien souvent, finissaient par devenir des "c'est pas grave, il est comme ça!".

 


 

 Écrit en sirotant un petit verre de Grand Marnier le 27 novembre 2013.

 

  Légèrement remanié le 1er juin 2016.

 

 

 

 


 

 



28/11/2013
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