Les anciens de Baratier

Les anciens de Baratier

Le ciel de Baratier

   Je dis le ciel de Baratier, mais ce pourrait être le ciel de n'importe quel coin des Alpes.

  Je n'ai pas observé de plus beau ciel que dans cette région, sauf plus tard dans le nord du Québec. Mais celui-là je ne le voyais pas avec les mêmes yeux.

   Souvent, le soir après la veillée, on s'en fumait une en haut du deuxième pré, assis ou allongé sur l'herbe, en bavassant de tout et de rien, écoutant le bruissement des insectes, les cricrissements, les coassements ou le chuintement feutré des chauves-souris qui passaient au-dessus de nos têtes.

 

    Et qu'est-ce qu'on voyait au-dessus de nos têtes? Cette magnifique voute étoilée picotée de millions de têtes d'épingle scintillantes. Des têtes d'épingles pour les travaux grossiers, celles dont on réparait les chaussettes, les plus grosses et les plus brillantes, des têtes d'épingles pour les travaux les plus répandus, comme coudre un bouton de chemise ou de braguette, et la grande majorité pour les travaux délicats qui doivent être à peine visibles et qu'on ne peut distinguer du tissu sur lequel ils ont été ouvrés.

 

  Spectacle à la fois fascinant et incompréhensible!

 

  On se pose vraisemblablement les mêmes questions que les hommes de Néandertal, mais avec plus de précisions et avec quelques réponses de plus dans notre calepin galactique.

  Pour le reste, et malgré des avancées spectaculaires, on n'est sûr de rien...

 

  Alors continuons à admirer ce ciel lorsque c'est possible.

 

  La Voie Lactée, par exemple, se voyait parfaitement dans le ciel de Baratier. La tranche de notre galaxie à nous!

 J'avais dit à mon fils que je lui montrerai enfin la Voie Lactée — qu'il n'a jamais vu ni Dave ni des dents (expression imagée piquée à l'Yves qui en sort des bonnes de temps en temps) — lorsque nous viendrions à Baratier. Car à Montréal, même par la plus belle des nuits, on ne peut voir que quelques centaines d'étoiles, et encore! Alors, pour ce qui est de voir la Voie Lactée...

  Le voyage s'est fait en 2009; coucher à l'hôtel de la Mairie à Embrun, attente que la nuit soit bien tombée et direction le Belvédère.

 La déception a été aussi grande que l'espoir de montrer à Michaël le ciel de Baratier. Des vilains petits nuages blancs se déplaçaient dans cette zone et nous ont volés le spectacle fabuleux auquel je m'attendais.

  Je n'avais pas pris la peine de consulter la météo, confiant d'être dans la région des plus de 300 jours d'ensoleillement, la Nice des Alpes!

 Heureusement il nous reste les visions de ces soirées estivales durant lesquelles il était très fréquent d'observer les étoiles filantes. Un voeu n'attendait pas l'autre...

 

  Ces espaces interstellaires m'ont toujours attiré et ne sont peut-être pas étranger à mon orientation en géologie: formation de l'univers mais surtout de la Terre, un domaine où on manipule un peu de la même façon les millions et les milliards. Pour les uns ce sont les milliards d'étoiles, de galaxies, d'années-lumière; pour les autres les milliards et les centaines de millions d'années, l'apparition de la vie il y a...ouf, il y a longtemps! et les millions d'espèces ayant disparu et les millions encore présentes. Pour celles à venir, je ne suis pas très optimiste...

 

  Voilà, je laisse le ciel de Baratier tout en ayant sa marque indélébile dans ma rétine et dans un coin de mon cerveau. Comme pourrait l'avoir dit monsieur le curé: jusqu'à ce que

la mort vous sépare.

 

 

Texte écrit dans un moment d'égarement sidéral, en

écoutant le bruit de l'univers.

Relu avec émotion le 1er juin 2016.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



18/09/2013
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