Deux Hirondelles en Angleterre.
L'année 1968 a été fertile en évènements de tous genres, mais c'est surtout mai 68 qui a retenu l'attention. Je me trouvais alors chez mes parents à Alger après avoir été réformé de l'armée, sans l'avoir cherché d'ailleurs. Et je n'avais des nouvelles que par la télé ou lorsque ma mère téléphonait en France. C'était le chaos...
Lorsque tout s'est calmé j'ai pu prendre l'avion et me voila de nouveau à Sorgues.
C'est à ce moment-là que Daniel Teyssier me propose de l'accompagner en Angleterre avec son copain de fac à Montpellier, Jacques Marseille. Il prévoit y passer trente à quarante jours.
Ils venaient tous deux de passer un an à Preston, ville située un peu au nord de Liverpool, dans le cadre de leur licence en anglais.
Ni une ni deux, j'ai dit oui et j'ai raclé mes fonds de tiroir pour ramasser tous les francs que je pouvais, quelques vêtements et mon sac de couchage.
De leur côté, Daniel et Jacques réunissent le matériel de camping et, par une belle journée du début juillet, nous voilà partis dans la 4L de Daniel pour un séjour au pays du roi Arthur et de Robin des Bois.
Premier arrêt quelque part dans le nord, pour se restaurer un peu. Daniel passe la commande, café et croissants. Le patron comprend qu'on veut des cafés mais ne saisit pas pour les croissants. Daniel répète mais le mec ne pige rien! Jacques s'y met avec pas plus de succès. Je me dis en moi-même «ça doit être l'accent!» et je me tourne vers le patron en essayant de prendre un accent pointu : « ils veulent dire des croissons!» Eh bien le mec, il a encore rien compris.
Finalement on les a eu nos croissants, mais je ne me souviens pas comment, probablement par gestes...
Cette situation me porta à cogiter sur ce qui m'attendait chez les Inglish: si je ne pouvais me faire comprendre dans mon propre pays, qu'est-ce que ce serait là-bas? Mon anglais scolaire me permettait de lire un peu mais pas de parler! Et le mieux que je pouvais dire était le début des leçons d'Assimil: My tailor is rich. J'irai pas loin avec ça!
J'avais tout de même rajouté une phrase de mon cru: My sister is not a boy.
Curieusement j'ai jamais pu la placer sauf à des Français!
Le 8 juillet, débarquement à Douvres et début de l'aventure. Ici on roule à gauche!!!
Douvres.
Première étape Londres, évidemment. Petite parenthèse pour mentionner qu'avant le départ, on s'était mis d'accord sur la gestion du temps: le matin visite de sites, tourisme, et l'après-midi temps libre, draguer, aller dans les pubs, etc.
On s'était donc procuré le Guide Bleu de la Grande-Bretagne, très bien fait d'ailleurs, avec description de tous les sites intéressants, des endroits où coucher et camper, et d'un paquet de petits renseignements utiles. Pour draguer ou boire de la bière dans un pub, on n'avait pas besoin d'un manuel...
C'est ainsi que Daniel proposa d'aller à Soho, dans ces rues où on trouve le nom des filles inscrits à côté des portes de leur "résidence", et des sous-sols où se déroulent des spectacles zérotiques.
Daniel discute avec un gus et lui achète trois billets. On descend dans le sous-sol, petit escalier sombre et étroit, et on arrive devant une porte cloutée, style moyen-âge, avec une
petite trappe fermée. La porte aussi est fermée. On frappe, toc, toc, toc. On frappe plus fort. Apparait une armoire à la face rougeâtre qui nous dit qu'il n'y a rien à voir ici. Daniel
proteste, on a des billets, on a payé, et bla, bla, bla...
Devant cette montagne de muscles et de graisse, on bat en retraite, dépités.
On venait de se faire entuber et soulager de quelques livres anglaises, nous qui n'en avions pas des tonnes.
Après ce début qui aurait fait honte à Indiana Jones, on s'est calmé et consolé en allant rendre visite à une des filles de la rue. Comme elles exercent à l'étage, on étaient plus rassurés.
Quelques livres sterling ont de nouveau quitté nos poches, mais celles-là on les a pas regrettées!
L'épisode londonien terminé, on a vraiment commencé notre périple le lendemain en nous dirigeant vers la ville de Ely, située non loin de Cambridge où nous avions dormi.
Ely. La cathédrale, de côté,
de dessous et presque de face.
De temps à autre j'expédiais une carte postale aux parents à Alger. Ma mère les avait conservées, ce qui m'a aidé pour les dates.
En les relisant je m'aperçois que je rédigeais mes petits mots à la Gaston:
...Notre voyage continue, aujourd'hui à...où il fait beau (autre version: où il pleut). Demain nous serons à...Je vous embrasse.
Au moins je remplissais le peu d'espace disponible!
A part les "je vous embrasse" ou "gros baisers", je vous mets en bleu le texte intégral de ma prose. Un modèle de concision!
Carte envoyée de Ely le 11 juillet 1968.
—Nous avons passé 2 jours à Londres et dormi hier
à Cambridge. Nous sommes à Ely aujourd'hui.
Voici les principaux endroits que nous avons visités sur cette carte du Royaume-Uni (les points rouges). Il y en a eu pas mal d'autres mais je n'en ai pas de souvenirs précis.
La Grande-Bretagne, écumée du sud au
nord et d'est en ouest!
Ce qui est sûr, c'est qu'on évitait le plus possible les grosses agglomérations. Rouler à gauche n'énervait pas trop Daniel mais pas dans le trafic; sur les routes, celui qui était passager avant donnait le feu vert à Daniel pour doubler : « ok, c'est bon...NOON, C'est pas bon! Aïe, Aïe, Aïe, putains d'Anglais!».
Et puis la surprise de découvrir leurs voitures à trois roues (une à l'avant!!) avec l'impression qu'elles penchaient trop d'un côté ou de l'autre en tournant et que la chute était inévitable avec cette unique roue servant à diriger le véhicule. C'est en fait ce qui est arrivé, seul accident dont nous avons été les témoins très proches, la voiture s'étant retrouvée couchée sur le bas-côté vis-à-vis la notre. Heureusement restée tout droit à gauche!
Le couple anglais d'un certain âge est sorti sans problème. Ils roulaient pourtant pas si vite, mais trois roues!!...je vous demande un peu!!
Ça s'appelle une Reliant-Robin et ça a l'air de ce truc-là:
La photo a été copiée sur Internet.
Comment trouvez-vous le modèle?
De Ely, on met le cap sur Preston et on s'arrête juste avant dans la petite ville de Bolton pour camper et passer la nuit.
Avant d'y arriver on avait fait un arrêt quasi obligatoire dans la forêt de Nottingham située sur notre chemin. On n'a pas vu Robin des Bois pas plus que le Shérif.
Le lendemain visite des ruines de l'ancienne abbaye de Bolton (12ème siècle) et d'autres bâtiments.
Jacques et Daniel. Dire qu'on était trois
dans cette tente pendant 38-39 jours!
Bolton Abbey
Il me semble que c'était une ancienne prison...
...mais là, je ne m'en souviens pas.
Vous remarquerez sans doute des différences dans les couleurs des photos. Les plus "fades" sont des tirages de 1968, alors que les autres sont récentes de cette année (2013!). Je ne m'attendais pas à d'aussi belles couleurs pour ces vieux négatifs.
Étape suivante, Preston, la ville où Jacques et Daniel venaient de parfaire leur anglais durant une année. Il était prévu qu'on y reste plusieurs jours et que la tente serait plantée dans le "backyard" de la maison d'une de leur connaissance, sur un beau parterre de gazon bien vert.
Connaissance un peu plus âgée, m'a-t-il semblé, un bon Anglais bien Anglais. C'est là que les choses intéressantes ont commencé.
La ville de Preston. Carte envoyée le 15 juillet 1968.
—A Preston depuis 2 jours. Nous restons quelques jours
encore puis nous allons en Écosse. Il pleut souvent.
D'abord et avant tout, mes deux compères n'avaient pas connu que des mecs assurément, et il se sont mis en quête de trois demoiselles, dont une déjà connue qui se chargeait de faire venir des copines.
Pensez-vous! des jeunes Français dont la réputation charmeuse avait été bien établie par les milliers d'autres qui nous avaient précédé durant des décennies sinon des siècles! Daniel me l'avait dit:
«Quand les filles voient le F sur le cul de la bagnole, leur regard devient très intéressé...».
Ça s'est avéré tout à fait vrai!
Pour en revenir à nos moutons (c.à.d. à nos nanas), nous voilà chacun avec la sienne. Daniel avec Jude, la seule dont je me souviens du prénom pour une très bonne raison. Les gars ont été sympas en plus car il se sont arrangés pour me trouver une fille qui parlait le français (tous les étés en Bretagne à faire de la voile), la première ayant été un peu réfractaire à mes conversations gestuelles et grimaçantes! On rit quelques minutes et puis...
Jacques et Daniel
Daniel,
On comprendra qu'on n'étaient pas
pressés de repartir!!
et Victor
Les 5 ou 6 jours passés à Preston ont été bien remplis, à tel point qu'on n'a pas jugé utile de faire nos petites sorties touristiques habituelles. Trop occupés ailleurs faut croire!
Dans mon cas j'ai eu droit à une balade au bord de la mer, ma compagne allant taquiner son petit voilier et m'ayant emmené à bord de sa Mini-Cooper. Extra!
C'est ce jour-là que, restant seul, je me rendis dans le pub du coin pour aller boire un coup, un truc fort car le temps était un peu frisquet et gris. Un temps anglais quoi! Je me commande un scotch. Le barman ne semble pas saisir, je me répète (j'avais soudainement en tête l'affaire des croissants, ça allait pas recommencer?) mais, en même temps, dans un éclair de lucidité comme j'en ai rarement, mon bagage scolaire est remonté comme une balle et je me suis dit : « Merde, un scotch c'est un Écossais!!!». Lorsque j'ai rectifié pour whisky, j'ai vu le visage du barman exprimer une compréhension soulagée.
Le lendemain, nouvelle invitation, mais cette fois-ci au domicile des parents. Elle me dit qu'ils ne resteront pas car c'est leur après-midi de golf hebdomadaire (tiens! tiens!).
Bonjour Monsieur, bonjour Madame, how are you today? et ainsi de suite...De quelle région de France? Avignon? Oh! le pont d'Avignon?
C'est fou ce que ce pont cassé peut être utile!
Le papa me parle un peu des vins français qu'il "adoore" et dont il a quelques bouteilles dans sa cave, puis ils s'en vont à leur partie de golf. Quand à nous, nous avons entamé un autre genre de partie...
Nous sommes restés à Preston environ une semaine, un peu plus que prévu, et on a eu un peu de mal à redécoller de cet endroit idyllique. Quand je dis idyllique, on comprendra bien que c'est pas à cause des palmiers!
Nous repartons direction Newcastle, sur la côte Est bordée par la Mer du Nord. En chargeant la voiture, Daniel nous informe que le copain anglais est furieux car la tente a
laissé un rectangle jaunâtre dans son beau gazon vert. Il s'attendait à quoi en nous laissant camper là? On lui a dit de mettre un peu plus d'engrais à cet endroit...Anglais, va! C'est juste de l'herbe!
Nous voici à Durham, 15 à 20 km avant Newcastle. Le Guide Bleu nous dit qu'il y a une belle cathédrale à voir.
Jacques nous lit ce que dit le Guide Bleu
sur la cathédrale et le château de Durham:
château de 1070 par les Normands et la
cathédrale construite de 1095 à 1133.
Durham, la cathédrale. Carte du 23 juillet 1968.
—Demain nous serons en Écosse. Le temps est beau pour
l'instant. L'Angleterre m'a beaucoup plu.
En chemin vers Edimbourg, une petite pause au bord de la route. C'était surtout pour Daniel qui était le seul à conduire. La bouteille près de la roue arrière est une bouteille de bière Newcastle Brown. C'est ce qu'on buvait chaque après-midi dans un pub, chacun sa pinte, ou qu'on achetait comme réserve lorsqu'on n'avait pas le temps de s'arrêter dans un de ces hauts lieux de la bière.
Je rajoute que, à ce moment-là de notre voyage, on était en manque quand on n'avait pas eu notre pinte. Le goût et l'habitude se prennent très vite.
Heureusement ce n'est arrivé que deux ou trois fois.
Notre horaire est malgré tout respecté. Écossaises, Écossais, nous voilà!
Carte partie d'Edimbourg le 25 juillet 1968.
—Nous sommes arrivés à Edinburgh cette après-midi.
Il fait un soleil splendide; nous allons manger.
Parlant de manger, tout le monde sait bien que la Grande- Bretagne n'est pas réputée pour sa gastronomie. Et, compte tenu du fait que les shillings ne gonflaient pas vraiment nos poches, on devait se contenter du moins cher et donc du plus ordinaire:
-œufs au bacon avec toasts (pain tranché, pas de baguette!)
-fish and chips achetés dans la rue, servis dans un cornet de papier journal (oui! oui!) le tout aspergé de vinaigre blanc!
Cornet de fish and chips. Très populaire.
Quand on n'en pouvait plus, on se payait le resto indien (des Indes et pas des Cheyennes!) où on trouvait une nourriture très acceptable, épicée et relativement abondante.
Après Edimbourg, direction St-Andrews où le Guide signale des ruines intéressantes à visiter. On fera donc un arrêt dans la matinée avant de mettre le cap sur Inverness.
Une partie des ruines de la cathédrale de St-Andrews.
Construite au 12ème siècle. Aussi un château du 13ème.
Nous avons essayé ces anciennes tombes
qui dateraient, semble-t-il, du 15ème.
Visite terminée, on se remet aussitôt en route vers Inverness où un gros château nous attend. Mais, comme d'habitude, "on coupe à travers champs" et on prend les petites routes qui serpentent dans un paysage désolé.
Et là, on arrive au Devil's Elbow entre les localités de Blairgowrie et de Braemar dans les Highlands.
Què cé ça?
C'est un double virage en lacets, chacun à près de 180°, avec une pente de 35%. Je pense que la pente c'était avant, car j'ai lu que cette route avait été arrangée dans les années 60. Il reste quand même quelque chose de ce 35%.
The Devil's Elbow (Coude du Diable).
C'est nettement plus visible sur cette ancienne photo:
Et encore plus sur celles-ci:
Avant réfection (années 40) Dans les années 60
Notre brave 4L s'en est quand même bien sortie et nous a vaillamment conduits jusqu'à Inverness.
Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas de photo de la ville et surtout de l'imposant château pour lequel on se déplaçait. Heureusement, j'avais envoyé une carte postale.
Carte partie d'Inverness le 27 juillet 1968.
La rivière Ness et le château.
—Gros baisers d'Inverness. Ce soir à la pointe de
l'Écosse. Le temps est très beau.
Eh oui! Après une vingtaine de jours nous voilà rendus au point le plus au nord de l'Écosse, dans le petit village de John o'Groats, avec son inévitable boutique pour les touristes, Last House in Scotland.
Vrai que c'est la dernière baraque avant la mer comme on peut le constater sur cette vue aérienne:
Last House, complètement à droite sur la photo.
Il a fallu cependant que, dans ce coin perdu, à une époque de l'année où il n'y a pas foule, on tombe sur deux jeunes Françaises à l'intérieur de la boutique. En nous entendant
parler français, elles se sont quasiment propulsées vers nous: « et qu'est-ce que vous faites là ?(?), d'où vous venez? où vous allez?....».
On a été polis mais on a rapidement mis fin à ces débordements teintés de patriotisme temporaire. En plus elles étaient vraiment pas terribles. Leur cas était réglé d'avance...
Devant la boutique. Bizarre, je ne vois aucune bière sur la table!
A présent qu'on avait atteint l'extrême nord de l'ile, on allait obliquer un peu vers l'ouest, histoire de longer la côte sur ces étroites routes du nord de l'Écosse.
En chemin, quelques rencontres du deuxième type: vaches, moutons (ceux avec de la belle laine).
Les vaches et les moutons ont été très
sympas de jouer avec nous.
Quelquefois, des envies pressantes nous prenant, il fallait trouver un endroit adéquat, pas évident dans ce paysage dépourvu en grande partie de végétation à part l'herbe que se
partagent les moutons et les vaches.
Daniel m'avait surpris dans un de ces moments et, bien que je l'eusse aperçu, ma position et l'endroit désertique ne me permettait aucune manœuvre d'évitement.
Jacques observe Daniel qui observe Victor!
Personnellement, ça ne me gênait pas tant que ça, habitué à côtoyer la nature à la colo. Je m'étais néanmoins assagi : je m'éloignais considérablement de la tente pour uriner au lieu de choisir un des coins à l'avant.
Ceci étant dit retournons sur notre route étroite. Tellement étroite que deux véhicules ne peuvent pas se croiser. Et c'est la raison pour laquelle on y a construit, tous les 4 ou 500m
(pardon, yards), une espèce d'indentation afin que l'un des deux puisse laisser passer l'autre. Comme il n'y a pas de gros obstacles ni de végétation tropicale, on peut voir d'assez loin et on a le temps de se ranger.
Après vous messieurs les Anglais! (Écossais?)
Il fallait bien arriver quelque part, et rouler là-dessus donne soif, d'accord? On a du attendre assez tard dans la journée pour trouver une bourgade avec un pub, qui pourrait combler notre besoin quotidien de Newcastle Brown.
C'est pourquoi la photo que je me suis risqué à prendre est un peu sombre. Rétrospectivement, je lui trouve un petit air artistique. Mon but était surtout d'intégrer nos pintes de bière dans la photo. Résultat acceptable, mais pas exceptionnel.
Je me demande lequel de nous trois avait déjà
sifflé sa pinte de bière?
Restons encore un peu dans la bière avec cette halte dans un pub où nous nous retrouvons autour d'une table avec notre pinte.
Deux, trois clients sont au bar, bons Écossais bien bâtis, la figure rosâtre des gens de la montagne ou de la campagne.
On sirote nos bières en racontant je ne sais plus quelles conneries et on rigole. Tellement que la soif —toujours elle —nous conduit à commander une deuxième tournée.
Daniel se lève pour aller au bar commander et ramener le précieux liquide. On le voit discuter avec les mecs du bar une ou deux minutes, puis il revient avec les trois pintes de bière.
—Vous savez pas ce qu'ils m'ont dit? Quand ils nous voyaient nous fendre la gueule, ils pensaient qu'on se foutait de la leur. Et ils ont été à deux doigts de venir nous taper dessus!! Mais y'a rien à craindre, je leur ai tout expliqué.
Je ne sais pas ailleurs, mais dans ce coin-là, les Écossais ça a la susceptibilité exacerbée quand on parle une langue qu'ils ne pigent pas. Faudra faire gaffe!
Dans cette région, ou peut-être plus au sud—je ne l'ai malheureusement pas noté—notre recherche d'un site pour passer la nuit nous a fait découvrir une mini plage facilement accessible en voiture depuis la route. Pas un chat dans les environs, c'était la paix garantie!
Lever sous un beau soleil et séance de lavage.
C'est en nous dirigeant ensuite vers le site le plus légendaire d'Écosse—le Loch Ness—qu'à un moment donné nous avons pris, faute de pont, un petit traversier pour franchir un de ces innombrables lochs, sorte d'indentation de bras de mer étroits et allongés. Beaucoup sont devenus des lacs après que le continent eût remonté à la fin des glaciations du quaternaire. Évidemment à l'époque je n'étais pas géologue et je ne savais rien de tout ça!
84...? Ce serait pas le Vaucluse par hasard?
Quant au Loch Ness, tout ce qu'on y voit, ce sont des gens avec des appareils photos assis à terre ou sur une chaise pliante qui attendent que le monstre (Nessie si je me trompe pas) fasse une apparition. Il y en a même qui ont des trépieds avec une caméra!
Légende? Vérité? Mystification? Chacun son choix. D'après moi, Nessie se fout de leur gueule et doit bien se marrer au fond de son trou de loch!
A partir de là, mes infos de voyage deviennent fragmentaires, pour ne pas dire inexistantes. Les quelques photos qui restent me disent pourtant qu'on est bien passés par là. Je ne me souviens même plus si nous avons fait une petite halte à Preston en redescendant, histoire de dire bonjour à nos amies Anglaises.
Toujours est-il que nous voilà à Chester, au sud de Liverpool et proche de la limite avec le Pays de Galles.
Dernière carte postale, partie de Chester le 7 août 1968.
—Notre voyage se continue, après l'Écosse le Pays de Galles.
Nous n'avons eu que très peu de pluie et beaucoup de soleil.
Aujourd'hui à Chester, très jolie ville.
Le lendemain nous sommes au Pays de Galles à Conwy, située sur la rivière du même nom. Qu'y a-t-il à voir? Un château pour changer!
J'ai trouvé la photo tellement"maigre" que je
suis allé en chercher une qui donne un plus bel
aperçu de cet immense château avec ses
nombreuses tours.
Le château de Conwy.
Comme nous avions été à l'extrémité nord de l'Écosse, il fallait absolument se faire l'extrémité ouest de l'Angleterre.
Cette pointe de terre a été baptisée de façon très originale Land's End. "Last House in Scotland", "Land's End",...Pour les Anglais il semble que le monde n'aille pas au-delà de
leurs terres.
Crés z'Anglais!
Quelques arrêts supplémentaires, dont un à Exeter, et nous sommes de retour à Londres le 15 août. La fin du voyage arrive.
Dans la capitale, cependant, il n'est pas question de planter la tente pour passer la nuit.
Après avoir cassé une petite croûte dans la voiture, et la température étant un peu fraiche, Daniel pensa à un truc pour qu'on puisse aller se réchauffer et, pourquoi pas, piquer un somme: le Parlement est ouvert au public et il y a des délibérations qui se prolongent souvent tard dans la nuit. Effectivement c'était le cas.
On va donc s'installer au balcon dans des fauteuils rouges, un peu comme au cinéma. On a la vue sur l'ensemble du Parlement où s'agitent et discutent des personnages affublés
de perruques blanches. Le public brille par son absence et seuls trois Français le représente.
La chaleur bien agréable n'a pas tardé à faire son effet. On s'est un peu assoupi mais, hélas, pas pour longtemps.
Car aussitôt un grand monsieur, habillé comme dans une pièce de Shakespeare avec un bâton de cérémonie plein de couleurs, est venu nous informer à voix basse mais fermement que, non, on ne dort pas au Parlement et que, oui, c'est un manque de respect pour les Représentants du peuple, et patati et patata...
Nous n'avons pas trouvé les débats intéressants (dans mon cas je ne pigeais que dalle) mais plutôt endormants (!) et, étant donné que le grand escogriffe nous avait à l'œil pour qu'on ne dorme pas, on s'est résigné à sonner la retraite.
Ainsi s'achevait ce voyage: une nuit à trois dans une 4L au cœur de la capitale.
Le lendemain, 16 août, nous repassions la frontière dans l'autre sens à Douvres, direction Sorgues.
Fin de ce formidable voyage!
ÉPILOGUE
Depuis notre retour à Sorgues, on se voit souvent avec Daniel, presque à chaque jour, quand une bonne journée il me dit que les Beatles, qui n'ont rien fait depuis deux ou trois ans, sortent une nouvelle chanson.
La chanson en question sera retransmise le soir même vers 23h en exclusivité sur France-Inter ou un autre poste.
Le soir, dans ma chambre, je sors mon transistor et je me mets à l'écoute de la station de radio en question.
Longue attente lorsque, enfin, la chanson est annoncée.
Et c'était quoi la chanson?
C'était "Hey Jude"!
Très exactement le 26 août 1968.
Voilà la raison, invoquée plus haut, pour laquelle je n'oublierai jamais le prénom de la dulcinée de Daniel à Preston.
Mise en page améliorée, le 2 juin 2016. Ça me fait plaisir de retrouver Daniel comme dans le temps.