Mes curés de Baratier
André Dumont nous livre ici quelques souvenirs sur les hommes en soutane qui ont arpenté le domaine de la colonie de Baratier :
Nous avons tous des souvenirs sur les curés de Baratier. Il n'est bien sûr pas question du côté religieux, le rapport que chacun d'entre nous a gardé -ou pas- avec la religion ne regardant que lui-même.
A tout seigneur tout honneur: le Père Jacques. Je crois que la difficulté de discussion que nous avions avec lui, en tant que moniteurs, n'était due qu'au grand respect que nous avions pour lui.
J'ai cependant une anecdote où je l'ai vu un peu différemment.
Au cours d'un camp de neige organisé durant les vacances de Noël, nous dormions à côté de sa chambre. Comme il arrive souvent, il y eut un soir un remue-ménage qui se transforma rapidement en chahut. Les coups qu'il assena sur la cloison n'ayant eu aucun effet, il déboula soudain en pyjama et bonnet de nuit. Il désigna quatre ou cinq coupables potentiels et les conduisit dare-dare aux moniteurs du rez-de-chaussée. Inutile de dire que le calme revint aussitôt...
Il y avait deux autres prêtres emblématiques, les pères Fernand et Gérard, pour moi inséparables. Ils venaient et repartaient souvent ensemble et avaient beaucoup d'humour. Ils étaient, pour moi, interchangeables car je ne me souviens plus qui faisait quoi! L'un d'entre eux imitait, lors des veillées, la mise en route d'une voiture à la manivelle en utilisant la sonorité des noms des dignitaires du IIIe Reich (la guerre n'était pas loin).
(Je l'avais oubliée celle-là. Avec les Göring, Ribbentrop, Von Papen, Himmler et cie.)
Je me rappelle aussi la réception organisée à l'arrivée de l'un des deux à la colo, avec chansons, compliments et amabilités diverses. A la fin de cet accueil, l'autre apparut soudain en mimant la jalousie : " Alors, à moi on me dit rien! Il n'y en a que pour lui! ". Hilarité générale...
Il y a eu aussi les curés de "second rôle", un peu moins présents tel le Père Seigle lorsque les enfants de la paroisse du Sacré Cœur nous rejoignirent.
Le Père James - qui a plutôt été chez les Castors - qu'un moniteur parisien m'assura qu'il l'avait entendu chanter à tue-tête, au presbytère de la rue Carreterie à Avignon, des chansons grivoises...
Le curé de Baratier en est un autre que je n'ai jamais connu autrement que sous ce nom, il cohabitait avec la colonie.
Il y eut aussi les "fugaces". L'un d'eux m'a laissé un souvenir...frappant!
C'était au cours d'une sieste. On redoutait tous, je pense, la sieste où le sommeil et le repos ne viennent pas. Au moins six heures...(le temps est très long quand on a huit ou neuf ans et qu'on s'ennuie). Je trouvais sous ma couverture un abri. Est-ce que j'étais un cow-boy, un aventurier du grand nord, un chasseur d'animaux?
Lorsque le moniteur nous permit enfin de nous lever, je sortis joyeusement et rapidement. Une grande main sortie soudain de la manche d'une soutane me fit voir un ciel encombré d'étoiles! J'allais, un peu plus tard, me laver la figure, ensanglantée...
Les jours suivants j'essayais de localiser mon bourreau et je mettais la distance de sécurité optimale entre lui et moi.
Puis il disparut comme il était venu et je pus enfin terminer la colo en toute sécurité.