Une journée de pluie
La région d'Embrun est réputée pour son ensoleillement qui dépasse allègrement les 300 jours par an. Nous en avons tous profité, tout en respirant cet air des Hautes-Alpes qui nous remettaient nos poumons et nos voies respiratoires quasiment à neuf! Il est vrai aussi qu'à l'époque, la pollution atmosphérique était beaucoup moins importante.
La Nice des Alpes. C'est ainsi qu'a été surnommée la ville d'Embrun.
Cependant, ce statut n'empêchait pas la nature d'envoyer de temps à autre une petite ondée sur la région. Avec, à l'occasion, quelques éclairs et coups de tonnerre accompagnés de trombes d'eau.
C'est une de ces journées-là qui survint alors que nous avions planifié avec soin des activités pour notre section des Hirondelles. Tout le monde sait que cet oiseau-là ne fait pas le printemps, mais comme on était en été, on ne s'en faisait plus. Et puis une hirondelle c'est un bel oiseau...
En ce temps-là (expression connue depuis plus de 2000 ans...), la météo ne parvenait pas jusqu'à nous et peu d'entre nous s'y intéressaient.
Le réveil du matin fut quelque peu humide et l'emploi du temps de la journée fut carrément à revoir. Ce ne fut pas très difficile de le modifier, puisque la pluie nous interdisait toute activité extérieure.
Cette pluie dura, si je me souviens bien, une bonne partie de la matinée, mais cessa en début d'après-midi, durant la sacro-sainte sieste. Après avoir fait face à la formation de gouttières sur les toiles des marabouts, je ne sais plus qui a eu cette brillante idée.
Nous étions cinq en 64 ou 65, l'année où cette fameuse suggestion a été proposée par l'un d'entre nous. Ce n'était pas moi. Il restait donc Bulle, l'Yves, Daniel Teyssier ou Bernard Colonna.
L'idée, c'était (vu que la pluie avait cessé) d'aller à la chasse aux escargots et, pourquoi pas, de les remettre à la cuisine pour qu'on les prépare. Ce serait l'occasion d'organiser un bon repas Hirondelle qu'on voyait déjà se dérouler sous les sapins, là où se disait la messe lors des grandes occasions, le 14 juillet, la journée des parents ou le 15 août. Un endroit ombragé et empreint de sérénité où on se sentait bien. Un lieu propice à ce genre d'évènement souvent organisé entre moniteurs.
La sieste terminée, on sonne le rassemblement pour nos Hirondelles qu'on informe de l'activité décidée, sans doute à l'unanimité.
Bien que la pluie ait cessée, on sort nos imperméables, du moins ceux qui en ont, et on récupère ici et là des contenants afin de les remplir, du moins on l'espère, d'escargots.
Tout le monde est prêt. Nous partons en direction du troisième pré pour emprunter le chemin qui conduit aux Crottes. En effet, en bordure de ce chemin, il y a une haie de buissons qui devrait être un endroit idéal pour les gastéropodes que nous voulons récolter.
Nos espoirs sont plus que comblés. Les escargots ont pratiquement envahi les buissons, remontant le long des branches, arpentant les feuilles, au milieu des gouttes d'eau qui brillent malgré l'absence de soleil. La récolte commence, et c'est à qui remplira le plus vite son contenant. Les escargots de Bourgogne sont connus, mais ceux des Hautes-Alpes n'ont rien à leur envier. Ils ont l'air aussi "dodus" que leurs congénères qui boivent du vin au pays de la moutarde!
Il a bien fallu écourter cette promenade humide afin de ramener notre butin aux dames de la cuisine, avec qui on s'était entendu pour préparer un gros chaudron d'escargots d'ici deux ou trois jours. Ce qui fut fait, avec une note épicée due sans doute aux origines pied-noir ou espagnoles d'une ou deux de nos sympathiques cuisinières. Bien des restaurants ne disposaient pas d'un plat aussi savoureux et élaboré sur leur menu!
Je crois que tous, colons et moniteurs, avons apprécié ce repas champêtre sous les sapins, mis à part ceux qui n'aimaient pas les escargots, dont il me semble qu'ils n'étaient pas très nombreux. Sans doute, comme moi, se rappellent-il ce moment où les relations colons-moniteurs sont au plus beau, grâce à la pluie...
Écrit durant des journées...de pluie!