Les anciens de Baratier

Les anciens de Baratier

Gilbert Bécaud

  Je ne peux pas m'empêcher de penser, presque à chaque jour, à cette colonie de Baratier. Est-ce que c'est ça qu'on appelle la nostalgie ou bien est-ce ce besoin qu'ont les personnes qui prennent de l'âge de se rappeler les souvenirs de leur jeunesse passée? Je crois bien que c'est la même chose, ce que nous appelons nostalgie. Dans ce mot, il y a une petite once de tristesse à cause du fait que le passé, c'est vraiment le passé! Nous sommes tous faits et issus du même moule et, quelle que soit la vie que nous avons eue, il y a une réaction qui se retrouve invariablement chez tout être humain qui arrive à un certain âge, celle de se souvenir de son passé: Ah! c'était le bon temps! Une expression qui nous semblait faite pour les ''vieux'', mais qui prend tout son sens dès lors que nous arrivons dans cette tranche de notre vie. Je veux dire la dernière tranche, celle qui reste après qu'on ait bouffé les autres!

  Aujourd'hui, par exemple, je me revoyais dévaler le simili sentier partant du bâtiment vers les tentes des Hirondelles lorsque j'étais colon. Un parcours semé de dangers et d'embûches, surtout dans la section des Écureuils. Mais on connaissait chaque bosse et chaque creux et jamais aucun de ces obstacles n'a eu le dessus sur nous! Le même parcours en sens inverse ne nous faisait pas peur non plus, sauf qu'on allait un peu moins vite parce que ça grimpait! Dans un sens ou dans l'autre, ça développait les muscles de nos cuisses! Même chose lorsqu'on est devenu moniteur, encore inconscient des dangers de la nature et dévalant à la même allure ce sentier où pas un brin d'herbe ne poussait durant notre séjour. Attila pouvait se rhabiller...

 Dans la matinée ou dans l'après-midi, on se dirigeait vers le deuxième pré, séparé du premier par une haie d'arbres dans laquelle il y avait ce petit passage qui permettait de la traverser. Une journée de je ne sais plus quelle année (1955 ou 56), j'étais avec les autres à gauche du deuxième pré, un peu au-dessus du terrain de foot (enfin, ce qui servait de terrain de foot) et un moniteur devait avoir un transistor, une denrée nouvelle et fascinante, qui diffusait une chanson de Gilbert Bécaud: Mé qué, méqué, mais qu'est-ce que c'est, une histoire de tous les jours. Les paroles me sont restées et j'ai simplement vérifié que cette chanson est sortie en 53-54, mais je ne suis arrivé à la colo qu'en 55. A 9 ou 10 ans, je venais de découvrir Bécaud grâce à Baratier et au moniteur qui avait pu se payer un radio transistor!

  Une pensée en amenant une autre, me voilà en train de remonter au camp des Castors par le chemin que nous connaissions bien, celui qui passe au-dessus de la centrale hydroélectrique. On marche allègrement, nos jeunes artères ne se posant aucunes de ces questions qui viendront nous assaillir plus tard. On passe sous les grosses conduites qui acheminent l'eau du torrent des Vachères vers la mini-centrale, et on suit le chemin en prenant les raccourcis inscrits dans notre cerveau jusqu'au camp des Touisses où on arrive à peine essouflé. De nos jours, même un GPS n'aurait pas la précision que nous avions, à l'époque, dans nos déplacements!

 Ces petits souvenirs nous rappellent de grands moments qui ont, en partie, fait de nous ce que nous sommes devenus. Ce sont eux, en tout cas, qui nous font pousser aujourd'hui, de temps à autre, des soupirs empreints d'une légère tristesse mais aussi de la joie d'avoir vécu ces moments.

 Je vous envoie ce petit texte afin de vous offrir quelques minutes de béatitude quand vous plongerez dans vos propres souvenirs.

 

  Écrit après un appel de François Tort et deux ou trois vodkas (allongées, rassurez-vous) le 3 janvier 2018. Et le 4 aussi. Parmi ceux qui sont nés en 46, je suis sans doute le premier à avoir eu 72 ans! Putain con! Mais où sont les neiges d'antan...

 

 

 



27/02/2018
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