Le Grand Morgon
Au même titre que le Guillaume, le Morgon était une balade classique, moins difficile à part la petite grimpette des derniers deux ou trois-cents mètres.
Le Grand Morgon, vu d'Embrun, et le trajet approximatif
depuis Baratier.
La même vue sur la table d'orientation.
Dominant Savines et le lac de Serre-Ponçon, il offre une très belle silhouette vue de Baratier où d'Embrun et se reconnait facilement dans le paysage de la région. Il a une allure plutôt élégante alors que le Guillaume est plus massif et a un air "protecteur". Bref, le Morgon a de la gueule!
C'est pourtant une des balades où il n'existe pas ou peu de photos, je ne sais pour quelles raisons. Peut-être parce qu'elle était souvent prévue vers la fin du séjour à la colonie, et qu'il ne restait tout simplement plus de pellicule dans l'appareil photo?
Dans le carnet de moniteur de Bulle, le Grand Morgon
est prévu en dernier, au milieu du mois d'août.
Le départ se faisait généralement en matinée en montant par Verdun, Charamaille et la forêt de Mélèze, jusqu'à l'abbaye de Boscodon qui était utilisée, à l'époque, comme grange par les fermiers du coin. Ce qui nous permettait, à nous, de l'utiliser comme gîte pour y passer la nuit. Et d'avoir du foin en quantité pour installer nos sacs de couchage.
Le ravitaillement pour la soirée et le lendemain arrivait par voiture jusqu'à l'abbaye, ce qui me fait penser que je ne me souviens pas du tout de quoi était constitué le petit déjeuner! On devait se faire quelque chose de chaud, mais quoi?
Bon, toujours est-il que sitôt fini ce petit déjeuner les affaires étaient rangées, les sacs de couchage pliés, et le tout remis dans nos sacs à dos. Ces derniers étaient généralement laissés à l'abbaye, et seuls les moniteurs transportaient les sacs à dos avec la nourriture.
Le Morgon, c'est par là!
Prêts à franchir la forêt de Boscodon qui, depuis l'abbaye jusqu'au cirque de Morgon, constituait un parcours pas trop difficile pour peu qu'on ne s'écarte pas des sentiers existants. Qui n'étaient pas balisés comme ils le sont aujourd'hui.
Le sentier dans la forêt de Mélèzes débouche sur le cirque.
J'ai le souvenir d'une fois où la colonne colons-moniteurs avait un peu déviée et s'était en partie retrouvée au milieu des sapins et des mélèzes, enjambant par endroits des troncs d'arbres morts et pestant contre ce sentier qui s'était dérobé sans avertir. Mais notre sens de l'orientation avait vite rétabli la situation.
La forêt devenant un peu plus clairsemée de part et d'autre du sentier, on débouchait brusquement sur le cirque de Morgon : des pâturages vert tendre, peu d'arbres et une petite cabane dans le fond. Une vue qui redonne de la vigueur à nos jambes car tous devinent qu'on va s'arrêter là et qu'on va pouvoir boire, manger et se reposer un peu.
Cabanes en vue! A droite Monique,
Bernard n'est pas loin derrière!
La première fois que j'avais fait le Morgon, comme colon, la découverte de ce cirque est bien restée gravée dans ma mémoire.
C'est tout d'abord la découverte d'un ancien conteneur en métal, cylindrique, à moitié rongé par la rouille, du genre de ceux qui étaient parachutés aux maquisards durant la guerre de 39-45. Il n'en fallait pas plus pour que l'imagination de gamins d'une dizaine d'années que nous étions retrace, avec tous ses détails, l'histoire qui se cachait derrière cet étrange objet si réel: l'avion qui le parachute, les hommes qui le récupère et qui en sortent de la nourriture, des armes, des médicaments, des cigarettes, etc. et qui prévoient faire bientôt une descente dans la vallée de la Durance pour aller saboter quelque chose.
Lorsque l'histoire prenait fin (quelques minutes seulement étaient suffisantes), on reprenait l'exploration du cirque et il ne fallait pas longtemps pour qu'apparaissent des marmottes, dressées sur leurs pattes arrières, les pattes avant repliées sur leur poitrine, curieuses de voir qui faisait du raffut dans cet endroit si calme d'habitude. Le plus drôle, c'est qu'elles posent des questions (il faut savoir traduire leurs sifflements) :
-D'où vous venez?
-Quel temps fait-il en bas?
-Avez-vous quelque chose à grignoter?
-Vous auriez pas vu mon petit dernier, N'a Qu'une Incisive?
-Chérie, viens voir, c'est les colons de Baratier!
Bref, des questions et des réflexions de marmottes!
Cette marmotte n'est pas du Morgon mais du Pré
de Mme Carle, à Aile Froide. Une résidence très
pratique située dans les rochers derrière le restaurant!
Arrivés à la cabane, le premier réflexe est de boire cette eau limpide et froide captée par des tuyaux de bois qui la déversent dans deux ou trois auges taillées dans des troncs d'arbres (d'après des photos d'autres randonneurs que Bernard et Monique, il y a au moins 5 ou 6 auges et ce sont des tuyaux métalliques qui assurent le captage).
La deuxième cabane est cachée par la butte.
Avec l'aimable autorisation de l'auteur :
http://rando.vacances.free.fr/GMorgon.htm
Les abreuvoirs ont été '' métallisés '' il y a quelques années.
(Photo Guy Borgia)
On sort alors les boites de conserves de 5 kg, en général des raviolis, pour les faire réchauffer pendant qu'un moniteur coupe des tranches de notre fameux pain fourni chaque jour par le boulanger de Baratier.
Je ne vous décris pas le repas, qui se déroule comme n'importe quel autre repas pris en montagne : on mange, on boit, on s'en grille une et on va se soulager.
On s'accorde une demie-heure à une heure pour faciliter notre digestion et faire descendre tout ça puis on donne le signal du départ en laissant le maximum de choses à la cabane, sauf les gourdes, histoire d'être le plus léger possible. Sommet nous voici!
Je ne sais plus à qui j'ai piqué la photo, mais je lui dis merci.
Le trajet à partir de la cabane.
Peu de temps après nous voilà sur les flancs du sommet et les edelweiss apparaissent dans les rocailles. Ce qui nous galvanise et nous propulse vers le sommet, d'où nous
admirons avec des regards de conquérants les Alpes au nord, au sud, à l'est et à l'ouest.
Le sommet est atteint. Vue splendide, en particulier
le lac et le barrage de Serre-Ponçon.
(une photo de Bernard Fichet)
Le même sommet avec Bernard Fosco. 1969.
Bien que ces sommets ne soient pas très hauts pour un adulte, ils représentent une réelle difficulté pour des enfants de 10-11 ans. D'où la légitime fierté qu'ils ressentent lorsqu'il n'y a plus que les nuages qui soient plus haut qu'eux!
La photo suivante date de la deuxième moitié des années 50, prise au sommet du Morgon. Sous le fanion, François Tort, alors aux Hirondelles (à vérifier).
Bientôt il faut penser à la descente et on s'arrache avec regret à ces sentiments de satisfaction et de domination qui nous ont habités quelques instants.
De retour à la cabane, on sort les tablettes de chocolat avec une bonne tranche de pain, on reprend des forces, puis on récupère toutes nos affaires, on ferme nos sacs à dos, on remplit une dernière fois nos gourdes de cette bonne eau de source et on décolle : direction Baratier avec une petite halte à l'abbaye pour récupérer le reste des affaires.
D'ici deux heures, deux heures et demie, nous aurons franchi l'entrée de la colo. Mission bien accomplie.
Légère mise à jour le 27 mai 2016, en sirotant un verre de Limoncello bien frais.